Ce qu'il faut savoir sur la réforme territoriale
Quels seront les nouveaux pouvoirs des régions? Ce redécoupage sera-t-il vraiment une source d'économie? Que vont devenir les conseils généraux? Le Figaro vous propose les grands points à retenir... et à éclaircir.
Le président François Hollande a lancé mardi sa grande réforme territoriale de la France. Principal changement: les régions passeraient de 22 actuellement à 14 et gagneraient de nouveaux pouvoirs. Parallèlement, les intercommunalités verraient leurs compétences s'étendre, au détriment des conseils généraux qui devraient disparaître d'ici 2020. Retour sur les annonces du gouvernement et les incertitudes liées à ces mesures.
• Ce découpage en 14 régions est-il définitif?
Manuel Valls a expliqué qu'il pouvait «y avoir des évolutions» au nouveau découpage présenté hier soir, «le débat s'ouvre», a insisté le premier ministre, interrogé ce matin par Jean-Jacques Bourdin sur RMC et BFMTV. Deux textes - l'un présenté par le ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve, l'autre par la ministre de la réforme de l'Etat Marylise Lebranchu - seront présentés en conseil des ministres le 18 juin. Le premier, consacré au découpage des régions, sera examiné dès le mois de juillet par les sénateurs. Le second, concernant les compétences des échelons territoriales, arrivera quant à lui «plus tard au Parlement», explique-t-on au cabinet de Marylise Lebranchu, joint par Le Figaro.
• Une réforme pour quand?
Le gouvernement veut aller vite. Manuel Valls a indiqué ce mardi après-midi à l'Assemblée nationale qu'il souhaitait que la loi soit promulguée «avant la fin de l'année». En attendant, un groupe de travail commun entre députés et sénateurs socialistes va plancher sur la réforme, selon Bruno Leroux, président du groupe PS à l'Assemblée.
• Pourquoi le gouvernement lance-t-il une telle réforme?
«Notre organisation territoriale a vieilli et les strates se sont accumulées (...) Le temps est donc venu de simplifier et clarifier», a justifié François Hollande dans une tribune publiée mardi dans des journaux régionaux. Le but est également de faire des économies et de doper la croissance des territoires, en faisant disparaître les conseils généraux au profit des régions et des intercommunalités.
• Quels seront les nouveaux pouvoirs de la région?
«Demain, ces grandes régions auront davantage de responsabilité», a déclaré François Hollande dans sa tribune, en précisant qu'elles auraient des compétences exclusives. Elles seront la seule collectivité à pouvoir soutenir les entreprises et porter les politiques de formation et d'emploi, à pouvoir intervenir en matière de transports, des trains régionaux aux bus en passant par les routes, les aéroports et les ports. Elles géreront les lycées et les collèges. Elles auront en charge l'aménagement et les grandes infrastructures. «La volonté du gouvernement, c'est d'avoir des régions économiquement fortes et cohérentes», a déclaré ce mardi Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur sur iTélé.
• Combien d'élus y siègeront?
Les régions «seront gérées par des assemblées de taille raisonnable. Ce qui veut dire moins d'élus», a répondu le président de la République sans apporter plus de précisions.
• Quels noms seront donnés aux nouvelles régions fusionnées?
Dans un premier temps, «le nom des régions fusionnées sera l'assemblage des régions actuelles, a expliqué un proche conseiller de Manuel Valls au Figaro . On parlera donc de la région Poitou-Charentes-Centre-Limousin». Une fois que les régions seront constituées et les nouveaux conseils régionaux élus, les noms pourront être modifiés.
• Qui fixera les nouvelles capitales de ces super-régions?
Ce sera le rôle de l'Etat de les fixer par décret, explique-t-on à Matignon.
• Que vont devenir les départements?
«Le département en tant que cadre d'action publique restera une circonscription de référence essentielle pour l'Etat, autour des préfets et de l'administration déconcentrée avec les missions qui sont attendues de lui: garantir le respect de la loi et protéger les citoyens en leur permettant d'avoir accès aux services publics où qu'ils se trouvent», a encore écrit François Hollande. En clair, les 101 départements subsisteront.

En revanche, les conseils généraux vont progressivement disparaître d'ici 2020. «Il faudra au moins trois ans pour transférer les compétences et les agents des conseils généraux», a déclaré Manuel Valls, toujours sur RMC-BFM TV ce mardi matin. Pendant cette période de transition, les conseils généraux conserveront un certain nombre de compétences, «ce qu'on appelle le bloc social (le RSA par exemple, NDLR) et la cohésion territoriale, notamment dans les territoires ruraux», a ajouté le locataire de Matignon, sans apporter de précision sur la révision constitutionnelle qu'implique un tel redécoupage administratif de la France.
• Que vont devenir les fonctionnaires des conseils généraux?
Les 270.000 agents travaillant dans les conseils généraux seront réaffectés. «De part leur statut, les fonctionnaires ne peuvent pas être licenciés, rappelle-t-on au cabinet de Marylise Lebranchu. Ce sera aux régions et aux conseils généraux de travailler ensemble pour organiser le transfert des agents», ajoute-t-on.
• Qui du pouvoir des intercommunalités?
Le président de la République estime qu'elles «sont de taille différente et avec des moyens trop faibles pour porter les projets». Par conséquent, le processus d'intégration des 36.700 communes «doit se poursuivre et s'amplifier». Alors qu'elles doivent actuellement regrouper 5000 habitants, les intercommunalités devront compter quelque 20.000 habitants à partir du 1er janvier 2017. A terme, l'intercommunalité sera «la structure de proximité et d'efficacité de l'action locale», a précisé François Hollande. Quels seront alors ses nouveaux pouvoirs issus des conseils généraux? Le cabinet de Marylise Lebranchu, interrogé à ce sujet, n'était pas en mesure de répondre à cette question.
• Ce redécoupage administratif permettra-t-il de faire des économies?
Le secrétaire d'Etat à la Réforme territoriale André Vallini a avancé que 10 milliards d'euros d'économies seront générés d'ici cinq à dix ans «en faisant des économies d'échelle, en supprimant les chevauchements de compétences, les doublons, on peut arriver à une dizaine de milliards d'euros d'économies». Néanmoins, les experts s'accordent à dire que la réduction du nombre de régions n'apportera pas d'importantes économies. Les marges de manoeuvre seront davantage possibles au niveau des intercommunalités.
• Pourquoi cette réforme va-t-elle être difficile à mettre en œuvre?
D'une part, le découpage des régions proposé par le gouvernement fait grincer des dents, y compris au sein de la gauche. Par ailleurs, le parti Radical de gauche a dénoncé «un coup de force» avec une réforme «où l'on fusionne des régions qui n'ont aucune histoire ni tradition en commun, et où l'on signe l'arrêt de mort du département». «On parle d'une réforme territoriale qui va changer le paysage français pour des décennies, ça ne se fait pas sur un coin de table à l'Elysée», a déploré pour sa part le député de droite (UMP) Xavier Bertrand.
D'autre part, la réussite de cette réforme dépendra des parlementaires. Pour réviser la Constitution, il faut une majorité des 3/5e au parlement, ce dont la gauche ne dispose pas. «Je veux croire qu'une majorité politique nette se dessinera» en ce sens, a toutefois déclaré le président de la République. Dans cette hypothèse, les élections régionales prévues au printemps 2015 seront repoussées de six mois.