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Gros, c'est une insulte ?
POLITIQUEMENT CORRECT – Hier, nous avons utilisé le mot "gros" dans un titre. Et provoqué un chahut dans les commentaires et sur les réseaux sociaux. L'occasion de se demander pourquoi l'emploi d'un tel terme choque et quelle autre appellation il aurait fallu adopter.
Un mot vous est resté en travers de la gorge. "On dit personne obèse, c'est simplement du respect", "titre odieux et méprisant, la formule de politesse adaptée serait plutôt personne en surpoids", "le mot 'gros' sonne comme une insulte"... Vous avez été nombreux à considérer qu'un titre comprenant le terme "gros" stigmatisait les personnes en surcharge pondérale. Alors faut-il dire "gros" ?
"'Gros' devrait n'être qu'une description"
Parler des "gros", c'est tout d'abord "réduire une personne à une caractéristique corporelle", indique à metronews Thibaut de Saint Pol, sociologue à l'École normale supérieure de Cachan. On peut comprendre que ce soit violent à entendre et à lire. D'autant que le mot "gros" est connoté. "Il renvoie au fait que notre société n'aime pas la graisse, que ce soit pour des questions d'apparence ou de santé, et aux discriminations dont sont victimes les 'gros'."
Du rejet de l'obésité au rejet des personnes obèses, il n'y a qu'un pas... Quand vous avez lu "les gros" (même dans la bouche du professeur Patrick Tounian, nutritionniste), vous avez convoqué "le stéréotype du bon 'gros' qui fait rire ou du malade qui ne sait pas se réfréner". Ce terme de nature descriptive a été "investi politiquement et socialement comme une insulte". Le sociologue et auteur du livre Le Corps désirable. Hommes et femmes face à leur poids évoque le glissement sémantique du terme "embonpoint" : "À l'origine, c'était un terme positif, quand on était 'en bon point', cela signifiait que l'on se portait bien. Aujourd'hui, c'est devenu synonyme de la graisse en trop."
Risque de rendre la stigmatisation invisible
Exit alors le mot "gros" ? Pas forcément. Parce que parler des "obèses" n'est pas moins connoté. Les connotations esthétiques (type "la graisse, c'est moche"), psychologiques et morales (les remarques selon lesquelles les "gros" se laissent aller) sont à peine mises à distance. Lire "obèse", c'est penser à l'excès de masse grasse et à ses risques sur la santé et c'est médicaliser, IMC à l'appui, un terme en rapport avec l'apparence.
Et ne pas utiliser le terme "gros", c'est aussi "rendre invisibles les stigmatisations associées à ce terme". Ce n'est pas pour rien que des associations comme Allegro Fortissimo utilisent sciemment le terme "gros" pour mettre en avant les discriminations que subissent les personnes de forte corpulence. Tout compte fait, gros n'est pas un gros mot.
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